Lorsque l'on travaille avec une langue comme le japonais qui a un système d'écriture différent du notre, la transcription est une question qui revient toujours. Il existe plusieurs systèmes de transcription pour le japonais et il est important pour tout apprenant de les connaitre.
Tout d'abord, dans quels contextes utilise-t-on une transcription? Principalement dans de la traduction ou de l'adaptation. De la même façon qu'il n'existe pas de traduction unique, il n'existe pas de transcription unique : il faut toujours prendre en compte le public visé et le but recherché. Commençons par voir les principaux systèmes, leurs avantages et inconvénients.
Le système Hepburn est de loin le plus connu et le plus répandu dans un contexte international. On entend souvent dire que c'est le plus proche phonétiquement, j'ai des réserves sur ce point. En tous cas, il est le plus pratique si l'on s'adresse à un public non-japonisant. A noter tout de même que les consonnes sont basées sur un système anglophone et les voyelles sont plutôt proches de l'italien. Parfois il est nécessaire de préciser leur prononciation ou de les adapter avec des diacritiques si l'on s'adresse à un public francophone. Par exemple on peut trouver encore maintenant le prénom ふみえ transcrit Fumié ou dans des traductions plus anciennes "ou" pour う (souvenons-nous que les francisations officielles de samurai et shôgun sont samouraï et shogoun. Et comme vous pouvez le voir, les mots francisés n'ont pas besoin d'être en italique). Dans des traductions plus anciennes toujours on peut trouver "tchi" pour "chi". A mesure que la société se familiarise avec la culture japonaise (je dirais depuis le début des années 1990), les traducteurs prennent moins de libertés avec les transcriptions ce qui est parfois un peu regrettable.
La suite en dessous.
Le deuxième grand système est le Kunrei. Si le Hepburn est réputé phonétique, le Kunrei est phonologique, c'est-à-dire qu'il transcrit la représentation mentale des sons du japonais. Il s'adresse donc plutôt à un public japonisant et c'est pourquoi il est peu utilisé en dehors du Japon et assez mal-aimé par les apprenants étrangers, à tort. En effet ce système s'avère très pratique pour étudier (et enseigner) des phénomènes linguistiques. Prenons par exemple les bases verbales. On peut expliquer la conjugaison de yomu avec une base yom- à laquelle on ajoute différentes voyelles pour donner yom-a, yom-i, yom-e, yom-o. Mais pour hanasu on a hanas-a, hanas-i, hanas-e, hanas-o...la ren'yôkei est en Hepburn hanashi ce qui n'est pas régulier avec le reste du paradigme alors qu'avec le système Kunrei cela ne pose pas de problème. Le phénomène de la rendaku (voisement de liaison) est aussi plus facile à aborder avec le Kunrei : yo+sakura = yozakura, hosi+sirusi = hosizirusi alors qu'en Hepburn on a hoshi+shirushi = hoshijirushi.
Voilà un récapitulatif des transcriptions, Hepburn en rouge et Kunrei en bleu quand ils sont différents. (J'avais la flemme de faire un tableau...)
a i u e o ; ka ki ku ke ko kya kyu kyo ; ga gi gu ge go gya gyu gyo ; sa shi/si su se so sha/sya shu/syu sho/syo ; za ji/zi zu ze zo ja/zya ju/zyu jo/zyo ; ta chi/ti tsu/tu te to cha/tya chu/tyu cho/tyo ; da ji/di,zi zu/du,zu de do ja/dya,zya ju/dyu,zyu jo/dyo,zyo ; na ni nu ne no ; ha hi fu/hu he ho hya hyu hyo ; ba bi bu be bo bya byu byo ; pa pi pu pe po pya pyu pyo ; ma mi mu me mo ; ya yu yo ; ra ri ru re ro rya ryu ryo ; wa o ; n.
Un troisième système, le Nippon-shiki (ou aussi Nihon-shiki) est parfois aussi cité. La différence avec le Kunrei n'est pas pertinente donc je n'en parlerai pas ici.
Comme vous avez pu le remarquer je n'ai pas de visées pédagogiques dans ce blog donc j'utilise le système Hepburn.
Dans les trois systèmes mentionnés précédemment, la longueur vocalique est notée avec un accent circonflexe (théoriquement c'est un accent plat mais comme c'est un caractère spécial, par practicité on le note avec un accent circonflexe la plupart du temps). Non, おう n'est pas transcrit "ou". Je ne sais pas d'où vient cette habitude, peut-être pour éviter les diacritiques pour les anglophones? Mais comme je l'ai dit plus haut, une transcription peut toujours être adaptée selon le contexte. Ainsi certains prénoms comme ゆう ou こう qui donnerait Yû ou Kô en transcription officielle peuvent parfois déranger car trop courts. On peut alors les changer en Yuu ou Koo, ou encore Koh. Et là on aborde le cas du h. C'est une utilisation d'origine américaine qui date de l'époque des machines à écrire. En effet nos amis d'outre-Atlantique n'aiment pas les diacritiques et taper deux fois sur des touches proches faisait bloquer les machines (d'où les actuels claviers azerty, qwerty, qwertz etc...). Pour un nom de famille comme Ôtani mettre un accent sur une majuscule n'était pas possible ni le transformer en Ootani, la solution retenue était donc Ohtani. Nous autres francophones avont un problème avec les voyelles longues donc la plupart du temps on les faisaient juste sauter.
Pour le えい qui en japonais standard (càd de Tokyo) est prononcé comme un e long, on le trouve parfois transcrit "ê" au lieu de "ei".
Pour le ん devant une voyelle il existe deux possibilités : l'apostrophe ou le point. Le point vient de l'INALCO, seuls ceux qui en sortent l'utilisent, vous pouvez l'oublier. Pour le reste de la Terre 谷崎潤一郎 sera donc Tanizaki Jun'ichirô (et si vous êtes de l'INALCO Tanizaki Jun.ichirô). Toujours pour le ん devant les labiales (p,b,m) comme il est prononcé "m", il est parfois noté "m" en Hepburn pour être plus proche phonétiquement. Si vous lisez Courrier International, vous trouverez souvent 朝日新聞 ou 読売新聞 transcrits Asahi shimbun et Yomiuri shimbun. Il ne s'agit pas d'une norme "officielle", en théorie il faudrait garder "n".
Dernier point : les garaigo. Théoriquement s'ils sont en katakana il faudrait garder la prononciation japonaise : コンピューター donne konpyûtâ (ou kompyûtâ). C'est surtout le cas dans des publications savantes (par exemple dans une bibliographie de mémoire). Mais certains préfère donner l'écriture du mot étranger correspondant. J'ai tendance moi aussi à préférer cette dernière méthode, sauf quand le mot est un emprunt ancien comme kappa, pan (du portugais capa et pão), kokku (du néérlandais kok) ou zubon (de jupon). Se pose juste le problème de tous les wasei-eigo et abréviations de mots étrangers comme gasorin sutando (de gasoline + stand) ou rimokon (de remote + control). Là c'est à l'appréciation de chacun, personnellement je transcrits les premiers comme des mots anglais à part entière mais je laisse les seconds comme mots japonais.
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